Article dans Festival de la chanson kabyle à Béjaïa

Syna Awel : La force de nos racines, le chant ancestral internationalisé.

 

Sur les traces de ses aïeux, auteurs, conteurs et compositeurs d’un village des hautes montagnes de Kabylie, Miss Awel (« la parole » en kabyle) décide de perpétuer la tradition orale des berbères par le chant et l’écriture qu’elle commencera déjà toute jeune. Son père originaire du village Aourir dans la localité de Semaoune dans la wilaya de Béjaïa, elle est née à Saint-Etienne en 1981, et fût attirée par l’univers artistique dès ses premières années. A 5 ans elle participe à son premier concours de chant devant un premier public de centaines de personnes à la bourse du travail de sa ville natale. L’émotion qu’elle procure au public et le succès qu’elle remporte ce jour-là, la motivera à chercher ses sensations de partage toute sa vie. Syna aime aussi beaucoup la danse, moderne jazz et orientale et enfilera sa tenue berbère dès qu’elle en aura l’occasion pour se donner en spectacle notamment pendant des live de chanteurs kabyles comme Ait Menguellet à Lyon.

A 10 ans elle s’essaie même au cirque qu’elle délaissera rapidement pour retrouver les planches des scènes de concert. La danse et le chant seront définitivement son moyen d’expression le plus sûr. Dans les années 90, son père animateur de radio, programmateur et compositeur, créer un album de variétés françaises pour sa grande sœur Samia, petite étoile montante de la région stéphanoise. Syna les accompagne dès que possible et intervient au sein de la troupe de danseurs qui accompagne son aînée. Elle finit par introduire les concerts de sa sœur en chantant l’un des titres phares de Samia écrit et composé par son père et sorti en 45 tours en 1991 : « Papa je ne veux pas grandir ». Mais Syna grandit malgré tout et intègre vite son premier groupe à l’âge de 15 ans «Le syndicat du Groove ». En chanteuse lead et entourée d’un pianiste, d’un bassiste, d’une section cuivre et de choristes elle revisitera les standards soul blues de la période des blues brothers.

A 18 ans ses études de psychologie la poussent à partir à l’université Lumière à Lyon. Syna ne trouve plus le temps de maintenir ses activités musicales entre ses cours, elle fait sa première pause artistique. Mais la jeune Awel n’a pas dit son dernier mot ! Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle choisit Nice pour nourrir son inspiration. Elle décide de se perfectionner en chant et intègre la chorale Arion singer avec la chef de cœurs Sylvie Fisichella qui lui donnera des cours individuels pendant de longues années.

A 30 ans Syna se sent prête à débuter sa carrière dans la Riviera et rencontre le compositeur brésilien Marcus Cecconi. Ensemble ils réaliseront un projet de soul musique teinté de sonorités latino-orientales. Syna compose les mélodies du chant et écrit tous les textes en anglais. Par ce premier album anglophone Syna Awel, multipliera les scènes et les belles rencontres artistiques (Joan Baez, Titi Robin, Souad Massi, Yuri Buenaventura, Lee Fields, Maceo Parker, Jimmy Cliff…..) qui la mèneront jusqu’à Miami et Kingston dans le célèbre Studio TUFF GONG de Bob Marley sous la direction artistique de Dean Fraser).

Riches de ces expériences musicales et humaines Syna Awel revient de ces voyages avec une détermination certaine à puiser dans ses racines. Le Label Imago records & production la suit et la soutient, charmé par cette démarche d’inspiration dans sa culture berbère. Et c’est Pilgou, bassiste marseillais, multi instrumentiste, compositeur et arrangeur qui la prendra sous son aile pour le second album. Elle prend le parti d’écrire et chanter en kabyle sans être berbérophone. Si personne ne croit au parie que l’artiste se lance, sa détermination la mène à réussir à traduire ses textes en kabyle avec l’aide de ses proches et à travailler son accent avec obstination.

Syna ne s’arrêtera pas là et se met à jouer aux percussions (bendir et derbouka) pour introduire encore plus de sonorités de ses origines kabyles. Dans cet élan elle enchaîne les premières parties de chanteurs kabyles en France comme Rabah Asma ou Idir pour présenter son projet métissé avec des textes axés sur son amour de la vie et prôner la bonne nature de chaque être humain. Elle met aussi en chanson des contes qu’elle écrit elle-même sur des thématiques comme le pouvoir de la parole, la relation au temps, la peur etc…

Emilie Camatte, une illustratrice jeunesse présente lors d’un concert lui propose de créer des livres et son premier conte pour enfant « Amchiche » (le chat en kabyle) dont l’histoire se déroule à Aourir (village de son père et clin d’œil à sa grand-mère conteuse) est en cours d’édition (sorti octobre 2020 aux éditions du Jasmin).

Actuellement en cours de réalisation de son second album Jazz orientale (sortie prévue en 2021), elle fait appel aux influences Afro-Jazz des pianistes, Béatrice Alunni et Jo Kaiat, du percussionniste Jean Luc Danna, et du contrebassiste Sofian El Mabrouk pour laisser place à la magie de l’acoustique. Le quartet crée un bel écrin pour les mélodies envoûtantes de la voix douce et chaude de Syna Awel.

Avec ce parcours singulier et sa persévérance Syna nous prouve que la culture d’appartenance est une force des enfants du monde que nous sommes et qui se cachent parfois en chaque être humain. Une belle découverte de la musique du monde et de l’âme humaine.

Syna Awel est inéluctablement un repère, une fierté pour notre chant ancestral qu’elle a internationalisé avec brio.